Eileen Julien organise, du 6 au 8 avril 2017, un colloque à Indiana University (Bloomington)

Appel à contributions/Call for Papers

Le sens et les sens / Sense and the Senses

 6-8 avril 2017 Indiana University – Bloomington

 

« Et dès que j’eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante […] toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l’église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. » (Proust, À la recherche du temps perdu)

« J’entends de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit d’un qu’on jette à la mer… les abois d’une femme en gésine… des raclements d’ongles cherchant des gorges… des ricanements de fouet… des farfouillis de vermine parmi des lassitudes… » (Césaire, Cahier d’un retour au pays natal)

« L’image est un symbole, toutefois un symbole très proche de la réalité sensible, qu’il représente, tandis que le mot constitue un symbole indirect, élaboré par la raison, et, par elle, très éloigné de l’objet » (Epstein, Ecrits sur le Cinéma).

« Le sens n’est pas dans l’image, il en est l’ombre projetée, par le montage, sur le plan de conscience du spectateur » (André Bazin, L’évolution du langage cinématographique).

À une époque où la question des émotions revient au centre des interrogations critiques, il convient de se pencher sur une relation fondamentale de l’activité artistique qui relie la sensation à l’interprétation, le sensoriel au signifiant, les sens au sens – autrement dit, la relation esthétique. Si la perception est la base de notre expérience, ce qui nourrit et structure notre activité cognitive, il faut également prendre en compte les supports qui médiatisent nos sens. En effet, à la manière de Marcel Mauss et Marshall McLuhan, il est intéressant d’envisager cette question médiatique comme le prolongement de notre corps, de nos sens. Ainsi, notre rapport au monde, son appréhension sensible, est également conditionné par la transformation, la mise à distance et l’organisation opérée par des systèmes techniques (écriture, imprimerie, la perspective cavalière, l’enregistrement audiovisuel, la diffusion numérique, etc.). De plus, cette expérience prend une signification particulière lorsque l’on se penche les processus de production, qui mettent en jeu les recyclages culturels (Moser) : s’il faut avoir lu pour pouvoir écrire, avoir vu pour pourvoir peindre ou sculpter, toute forme de production de sens est d’abord affaire de perception directe ou médiatisée. Nous sommes alors au cÅ“ur de la relation entre sensation et interprétation : repenser le rapport entre perception et production, que l’on peut nommer « la perspective aïsthésique », revient à accorder une « place importante au corps en tant que médium de l’expérience ». (Moser)

Ce colloque se propose d’envisager la littérature et le cinéma comme les lieux privilégiés de l’articulation multiple et fuyante mais aussi des nombreuses tensions et frictions entre l’appréhension sensible du monde et sa compréhension intelligible. De la mémoire involontaire (Proust) à la mise en abyme (Gide), des « tropismes » (Sarraute) à « l’infra-ordinaire » (Perec), du souffle du conteur (Kourouma) à la gestuelle du « marqueur de paroles » (Chamoiseau), les formes artistiques émergent dans l’intervalle ouvert dans la fabrique du monde et du texte par l’irruption d’une sensation (le goût, l’ouïe, l’odorat) ou par son patient travail de sape (la vue, le toucher). L’idée poétique se donne à voir dans les calligrammes (Apollinaire), se fait entendre dans le cri (Césaire, Senghor) et est produite par le montage (Pasolini), qui agit sur la réalité perçue en lui donnant une forme achevée et fatale. Le « vrai voyant » rimbaldien guide la révolution surréaliste des sensibilités alors que le spiralisme de Frankétienne arrache « le mot de l’émotion et le son du frisson ».

Les propositions de communications individuelles et de sessions complètes sont les bienvenues dans les domaines des littératures en français, de la théorie littéraire, des études culturelles, de genre et postcoloniales, de la traduction, des arts, du cinéma et de la photographie.

Axes de réflexion potentiels mais non restrictifs. En plus des propositions de communication individuelles, celles de sessions complètes sont vivement encouragées :

-          Art/Technique/Media

-          Matérialité (du livre, de la pellicule) /Abstraction (du texte, des formes)

-          Historicité/Formalisme

-          Inspiration/Réception/Recyclage culturel

-          Négritude/créolisation

-          Conteurs/bonimenteurs/scripteurs

-          Grain de la voix/Grain du texte

-          Style/Manière

-          Débordements et excès esthétiques

-          Éco-poétiques

-          Œuvres virtuelles

-          Livres d’artistes

-          Sentir/Ressentir/Interpréter

-          Cénesthésie et synesthésie

Date limite d’envoi des propositions : 15 septembre 2016.

Réponse aux conférenciers : 15 novembre 2016.

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