Un baobab est tombé

Hommage à Manu DIBANGO

L’un de mes baobabs d’Afrique, du Cameroun, est tombé.

Il est tombé hier, semant désordre, panique et détresse.

Mais on le sait : « ceux qui sont morts ne sont jamais partis »

Un baobab est tombé, mais ne s’est pas déraciné.

Qu’on invoque nos ancêtres. Qu’on convoque le Nsili awu.

Les anciens forment un groupe. Qu’ils dansent le ngondo.

Mais que les femmes ne portent pas le deuil, non ! Pas de deuil.

Ayangaet ngom, résonnez ! Balafon et saxophone, c’est la fête.

Donnez du rythme ! Faites-nous retrouver ces gestes majestueux,

Ces pas de danse de l’Afrique profonde cachés à l’étranger.

Un baobab est tombé. Il n’est pas mort ! Il mérite d’être célébré.

QueSango Yezu Christoemplisse le ciel et interpelle l’univers.

Que le « Soul Makossa » résonne au-delà des océans et des mers !

Comme d’habitude. Comme toujours.

On oublie que les temps sont mauvais, vicieux, prophétiques,

Même si la chute d’un baobab a toujours devancé une catastrophe.

Les temps sont graves, c’est vrai, qui tentent de saper les bases du clan.

L’époque est difficile, j’en conviens, qui essaie d’ébranler nos fondations.

Le coronavirus ne décimera pas le clan. Le lignage va trembler

Mais le coronavirus ne pourra pas décimer le clan entier.

Telle est la parole qui sourd de terre, de la mer, du Wouri.

Un baobab est tombé. Il n’est pas mort ! Il mérite d’être célébré.

Ayangaet ngom, résonnez ! Balafon et saxophones, c’est la fête.

Donnez du rythme ! Faites-nous retrouver des gestes majestueux.

Peuple, ceignez vos reins avec le grand pagne de cérémonie.

Enfilez, mes femmes et mes filles, vos kaba-ngondode fête.

L’événement exige de la dignité, de la ferveur, de la dévotion.

Famille ooo ! L’affaire est grave. Le moment est délicat.

Mais les auspices disent que le saxophone ne peut s’arrêter.

Un baobab est tombé, mais ne s’est pas arraché à la terre des ancêtres.

Que la fête s’organise donc autour du géant couché, oui, c’est cela !

Que la fête commence et dure le temps qu’on veut, une nuit

Un mois, une éternité ! La fête va s’éterniser, car la rencontre,

Les retrouvailles avec les ancêtres sont désormais éternelles.

Ayangaet ngom, résonnez ! Balafon et saxophone, c’est la fête.

Donnez du rythme ! Faites-nous nouer solidement le majestueux pagne.

Nul ne doit pleurer ! On pleure celui qui est perdu, et non celui qui vit.

Le deuil n’aura pas lieu ! Il plaît aux vivants, mais freine celui qui part.

Les anciens ont dit : pas de deuil funeste ! Pas de tristesse inutile !

Il faut lancer vers le ciel autant de souvenirs que les étoiles.

Il faut égrener tous les moments de rencontre, instants doux et fraternels.

Ainsi, le géant avancera, majestueux et confiant, vers le fleuve, la mer.

Ses pas résonneront dans nos têtes et dans nos cœurs en accords de saxo.

Son rire charismatique résonnera dans nos oreilles en timbre mélodieux.

Tout son être nous apparaîtra comme s’il était proche de nous.

Ayangaet ngom, résonnez ! Balafon et saxophones, c’est la fête.

Donnez du rythme ! Que la famille danse : Un baobab est tombé,

Il ne s’est pas arraché à la terre. Il laisse des rejetons qui diront :

Il est des nôtres. Il reste notre maître.

Marie-Rose Abomo-Mvondo/Maurin

Orléans, ce, 25.03.2020

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